L'association de défense des droits de l'homme en France a porté plainte contre le député néerlandais Geert Wilders pour « incitation à la haine radicale et à la discrimination » des musulmans. Wilders, qui est toujours terriblement reconnaissable à sa coupe de cheveux très blonde et qui est le leader du Parti pour la liberté (PVV ou Partij Voor de Vrijheid), aurait affirmé en septembre 2008 que Paris serait « désormais encerclé par des quartiers musulmans ». Il aurait précisé également qu’« en France, les enseignants sont invités à éviter les auteurs considérés comme offensants pour les musulmans, y compris Voltaire et Diderot ». Il aurait en outre assuré que de « nombreux quartiers sont des zones interdites aux femmes non voilées ». Et pour finir, Wilders aurait caractérisé les émeutes dans les banlieues en 2005 comme une « intifada musulmane ». L’ensemble de ces propos mèneraient donc à l’incitation à la haine et à la discrimination : « haatzaaien » comme on dit en néerlandais, ce qui veut littéralement dire « semer de la haine ». Qui est cet homme dont on parle autant dans les médias, non pas uniquement aux Pays-Bas, mais aussi à l’étranger, et maintenant donc de même en France ?
Histoire
Cet homme politique néerlandais a ses racines dans le sud du pays, dans la province du Limbourg. Il est député à La Haye depuis 1998, d’abord pour le parti libérale (VVD) et depuis 2004 pour le parti créé par lui-même : le parti pour la liberté. Pendant les élections en 2006, Wilders gagne 9 des 150 sièges au parlement, un succès considérable pour un parti qui n’existe que depuis deux années. Et sa gloire ne cesse pas à monter. En début 2009, d’après les sondages politiques, son parti serait devenu le plus grand des Pays-Bas, il gagnerait les élections si on devait aller aux urnes actuellement.
Contre l'islam
Wilders choque, pas uniquement par sa coupe de cheveux radicale, mais surtout par ses propos extrêmes. Au moment de la création de son parti en 2006, il affirme qu’il veut remettre en question le premier article de la constitution néerlandaise qui précise la protection contre la discrimination. Il y ajoute de bien vouloir fermer les frontières pour les immigrés non-occidentaux et il propose d’interdire les écoles musulmanes ainsi que les mosquées. En observant ces mesures présentées, on constate que Wilders vise avant tout l’islam et les musulmans. L’islam est pour lui à la fois la spécificité de sa pensée qui le distingue d’autres hommes politiques et son bouc émissaire expliquant le mal dans le monde. En 2007, dans une lettre publiée dans un journal, Wilders argumente pour l’interdiction du Coran, un livre « fasciste » qu’il compare au livre d’Adolf Hitler Mein Kampf. En 2008, Wilders montre son film « Fitna » (« discorde » en arabe) sur internet – aucune chaîne de télévision ne veut transmettre ce film. Dans le film, Wilders continue à argumenter que le Coran est un livre fasciste, qui incite à l’haine et à la violence contre les infidèles. Pour vous donner une idée des pensées de cet homme politique, vous pouvez voir le film ci-dessous. Attention, ne cliquez pas trop vite, car les images et les textes sont très choquants, voir bouleversants, et ils ont un caractère avant tout islamophobes.
En 2009, la cour d’appel d’Amsterdam consacre au ministère public l’exercice de poursuivre Wilders juridiquement, parce qu’il inciterait à la haine et à la discrimination des musulmanes et de leur foi. Ce procès, dont on parle beaucoup dans les médias néerlandais en ce moment, est actuellement en préparation. Wilders affirme de ne pas avoir peur tout en référant à l’article de la constitution qui précise la liberté d’expression. Et depuis hier donc, Wilders risque d’avoir un procès aussi en France, suite à la plainte porté par l’association de la défense des droits de l’homme. Wilders est déjà une personne « indésirable » au Royaume-Uni, parce qu’il serait « extrémiste ». Les Français lui interdiront de même l’entrée au pays ?
Le fossé
Wilders partage ses opinions tranchées avec le public, il y a très peu d’ambigüité dans ses propos. Sa ligne de pensée est facile à suivre et elle s’oriente droit au but : contre l’islam, contre les musulmans. En s’appuyant sur le principe d’égalité, il affirme que sa culture est meilleure que celle des musulmans, qui instaurerait une inégalité entre les hommes et les femmes, les hétérosexuels et les homosexuels, les fidèles et les infidèles. D’après Wilders, une forme modérée d’Islam, qui reconnaît par exemple la séparation de l’Etat et de l’Eglise, est impossible si on prend les textes du Coran comme point de départ de la religion. Ses idées sont claires et nettes, ce qui facilite la compréhension auprès de son électorat néerlandais et ce qui explique aussi, pour un large part, son succès. Au bout du compte, il offre un non-choix aux musulmans néerlandais : adaptation aux normes et valeurs néerlandais, ce qui implique une renonciation à sa foi, car l’islam et les normes et les valeurs de l’Etat néerlandais sont incompatibles dans l’optique de Wilders ; ou bien un départ immédiat des Pays-Bas, car sans adaptation la coexistence des musulmans et non-musulmans s’avère être impossible. Ainsi, Wilders arrive à créer deux camps au sein d’une population, au sein d’un peuple qui ne peut pas être unique, car il est a priori divisé par ce représentant de l’ordre établi. Au lieu de chercher une compréhension réciproque, au lieu d’investir dans le dialogue (Wilders n’entre pas en discussion avec les représentants des associations musulmanes), cet homme politique ne fait qu’agrandir le fossé.
Une influence menaçante
L’establishment a du mal à gérer le sujet Wilders. Je constate un léger changement, un glissement, à son faveur. Juste après les élections en 2006, aucun parti politique n’a voulu entrer en discussion avec le parti de Wilders pour former une éventuelle coalition. L’opinion publique, en général, malgré donc les 9 sur 150 sièges de l’Assemblée nationale obtenus, était à cette époque plutôt contre Wilders et ses idées. Les représentants du peuple ayant obtenus les autres 141 sièges de l’Assemblée ont ardemment critiqué ses propos. Mais Wilders jouait très bien son rôle d’outsider. A travers ces propos islamophobes, il devenait petit à petit l’homme qui était contre l’ordre établi. En jouant sur l’incompréhension des autres hommes politiques, il devenait le porte-parole des citoyens qui éprouvent un rejet des autorités, ce qui a permis à Wilders de se transformer, peu à peu, en chef de droite allant à l’encontre du gouvernement régnant. Trois années plus tard, le PVV semble être le plus grand parti politique, si on doit faire confiance aux sondages. Les autres partis de droite sont divisés, notamment le parti libéral (VVD) qui a du mal à prendre position, mais on entend déjà des voix qui s’expriment pour un rapprochement au parti de Wilders, afin de pouvoir créer une majorité de droite après les élections en 2011. Autre fait marquant le changement de la ligne de pensée au sein de la politique réside dans le mémo au sujet de l’intégration du Parti du Travail. Ce parti, traditionnellement situé vers la gauche, a adopté une nouvelle direction d’intégration et d’immigration dans laquelle on exige beaucoup plus des nouveaux venus qu’auparavant. Leur unique objectif, me semble-t-il, est de montrer au public qu’eux aussi ils travaillent sur l’intégration et l’immigration, dans l’espoir de reprendre une partie de leur électorat qui voterait actuellement pour Wilders.
L'importance du procès
Je suis vraiment curieux de savoir comment le procès en Hollande se déroulera et comment les juges traiteront ce dossier, d’abord aux Pays-Bas, et éventuellement donc aussi un peu plus tard en France. La façon dont Wilders sortira du procès influencera certainement l’électorat aux élections en 2011, et par la suite donc la manière dont les Pays-Bas seront gouvernés à partir de 2011. La jurisprudence qui résultera du procès, voir des procès, devra décider ce qu’on peut dire et ce qu’on ne peut pas dire, elle devra fixer de nouvelles interprétations de la base de notre société : quand discrimine-t-on et quand peut-on s’appuyer sur la liberté d’expression ?