Notre Premier ministre Jan Peter Balkenende (démocrates-chrétiens) a déclaré aujourd'hui que les Pays-Bas sont dans une grave récession. Je vous transmets les liens aux articles néerlandais ici, ici et ici. Le Monde a repris la même nouvelle dans ces informations, je vous invite à lire cet article tout en bas.
L’économie néerlandaise devrait se contracter de 3,5% en 2009, selon une estimation du CPB (Centraal Plan Bureau ; l’Office central du Plan). Ce qui choque le plus, c’est la montée du chômage : en 2010, presque 9% de la population active serait sans emploi. Cette partie de la société souffrirait le plus de la crise par la baisse de leurs revenus. Par un effet de ricochet, l’extension de la population inactive ferait souffrir l’Etat par l’augmentation des dépenses aux allocations de chômage. La crise provoquerait une séparation nette entre les employés et les sans-emploi, car le pouvoir d’achat de la population qui reste active (malgré tout la plupart de la société) serait stimulé par la baisse du prix du pétrole. La population active remarquerait ainsi la crise par une probable augmentation des impôts, sans oublier bien sûr que cette augmentation pourrait donc être compensée par le développement du pouvoir d’achat. L’augmentation des revenus publics ne serait pas suffisante pour l’Etat ; il faudrait de même faire des économies afin de réduire les dépenses, sinon les caisses du pays se transformeraient en des paniers percés. Le gouvernement néerlandais décidera dans les semaines à venir où l'Etat va chercher l’argent nécessaire pour financer les programmes de relance économique.
En parcourant la presse néerlandaise sur le web, je suis tombé sur la photo ci-dessous. On voit le Premier ministre Jan Peter Balkenende au milieu, le directeur du CPB Coen Teulings à droite et un individu inconnu pour moi à gauche.
L’expression au visage est grave et sérieuse, les deux têtes derrière la chaire se penchent un peu à droite, comme si les deux ont été touchés par une légère balle de crise venue de gauche. Le troisième inconnu a les mains croisées, c’est le prêtre qui se prépare à enterrer les victimes de la catastrophe annoncée. Le décor gréco-romain monté probablement pour donner plus d’autorité au discours prononcé renforce la siccité et la fraîcheur du message. Les spécialistes de communication ont bien fait leur travail en préparant cette conférence de presse : sans aucune improbabilité la mauvaise nouvelle est présentée à la presse réunie ; la forme de l’événement semble bien cadrer avec le contenu du message.
Or, un message n’est jamais neutre ou objectif. La forme influence le contenu tout comme le contenu influence la forme. Le médium, c’est-à-dire l’ensemble de l’être communiquant et l’artefact technique transmettant la communication, exerce une influence sur l’être du message. Et l’être du message influence vice versa le médium. Le côté sombre du message sur la récession influence donc les deux hommes politiques sur la photo, ce qui explique le visage serré, le regard serieux et la posture costaude, mais l’attitude des ces deux êtres communiquant influence de même l’aigreur du message.
Pour sortir de ce cercle vicieux qui nous mène de mal au pire, voyons Wouter Bos (Ministre des Finances, Parti du Travail) sur la photo suivante !
Crise ou pas de crise, Bos sourit. Nous le voyons ici sortant de sa voiture à La Haye où les ministres se réunissent pour parler des prévisions économiques du CPB. Le contraste avec les deux hommes politiques de l’autre photo est éclatant. Bos sort de manière énergique de la voiture, il freine sa cravate par la main droite pour éviter qu’elle claque au menton. Le visage donne l'impression de parler, montrant la bouche ouverte. Le ministre fait plusieurs choses en même temps (regard, mains, bouche... il bouge !) il est multitâche et il se précipite pour lutter contre la crise. La photo nous cache les chaussures du ministre, mais je parie sur des baskets pour courir encore plus vite à la salle de réunion. En observant cette image, la motivation et l'enthousiasme du personnage sautent aux yeux. Les temps graves et durs au niveau économique rendent le travail d’un ministre des Finances important.
En comparant les deux photos, on a l’impression que Bos ne peut pas s’arrêter de s’emparer de la crise lorsque la crise s’empare de Balkenende et Teulings, qui se présentent dociles et doux comme des agneaux. À plus grande échelle, cette différence d’attitude photogénique offre deux choix de stratégie politique : soit on essaie de s’emparer de la crise en anticipant et en augmentant les investissements, voir aussi en nationalisant de grandes entreprises, malgré l’augmentation inévitable du déficit budgétaire ; soit on suit la crise qui s’empare de nous et on essaie de réduire les effets pervers en réagissant, dans le sens où on étanche le sang qui coule d’une plaie après qu’on est tombé d’un vélo par exemple. Chacun sait qu’un gouvernement doit prévoir et qu’on devrait donc anticiper aux situations à venir. Si le gouvernement cherche à stimuler la confiance économique de sa population, il faut nécessairement opter pour une forme de communication inspirant la confiance. Ce n’est pas de politique d’autruche, mais la politique de paon ou de coq ! Il existe une influence réciproque entre le médium et le message, voir ci-dessus, mais en s’appuyant sur la force du médium, l’être communiquant peut gagner le message à sa cause afin d’influencer la teneur des propos et de réduire ainsi les effets du message sur le médium. Une mauvaise nouvelle n’est pas une mauvaise nouvelle, la nouvelle devient mauvaise par les effets du médium : par l’être qui l’apporte et par l’artefact technique qui la transmets, par la forme. Je propose une issue de la crise peu exploitée : le médium. La confiance, c'est croire au croyable, c'est la crédibilité remplie de sens, c'est le sens remplie de crédibilité, c'est la force des êtres communiquant à travers les médias. Suffirait-il de regonfler le ballon ?
Les Pays-Bas touchés par "une grave récession"
LEMONDE.FR avec AFP | 17.02.09 | 12h10
Les Pays-Bas "sont dans une grave récession", a déclaré, mardi 17 février, le premier ministre néerlandais, Jan Peter Balkenende, à La Haye. Ils devraient connaître un déficit budgétaire de 3 % en 2009 et de 5,5 % en 2010, selon une estimation du Bureau central du plan néerlandais (CPB). "Cela fait longtemps que les Pays-Bas n'avaient pas connu un tel recul de l'économie, et la vitesse à laquelle tout se passe est inédite", a-t-il ajouté.
"La mission du gouvernement est grande : faire progresser la croissance économique, renforcer l'emploi et maintenir des politiques financières solides", a poursuivi le premier ministre. "Le gouvernement prévoira expressément des mesures. [...] Ce ne sont pas seulement des plans qui coûtent de l'argent, mais aussi des plans qui génèrent de l'argent dans le futur", a-t-il expliqué. "Le gouvernement va examiner intégralement les investissements, économies et mesures structurelles de manière à ce que nous nous attaquions à la crise actuelle et en sortions grandis", a-t-il précisé.
M. Balkenende a toutefois prévenu que "des solutions simples n'existaient pas dans cette situation complexe". Le gouvernement néerlandais de centre gauche avait tablé sur un excédent budgétaire de 1,2 % du PIB lors de la présentation de son budget pour 2009 en septembre 2008. Il prévoyait alors une hausse de 1,25 % du PIB en 2009. Or, l'économie des Pays-Bas devrait se contracter de 3,5 % en 2009, selon une estimation provisoire du CPB publiée mardi matin. L'Office central des statistiques néerlandais avait annoncé vendredi que les Pays-Bas étaient "officiellement entrés en récession" au quatrième trimestre de 2008.