Un titre dans la presse d'aujourd'hui a attiré mon attention: Les jeunes néerlandais se font du souci des problèmes de leur génération. Ils sont d'avis que leur tranche d'âge est trop gâtée, trop encouragée de se sentir bien sur soi-même et trop peu intéressée aux autres. Ce sont les conclusions principales d’une grande enquête du bureau de recherche TNS NIPO qui a été effectuée à l’aide d’un échantillon de 1300 néerlandais. Les articles en néerlandais ici et ici.
La recherche vise à calculer la mesure de narcissisme des jeunes néerlandais. Dans la langue courante, on considère une personne narcissiste lorsqu’elle est remplie d’amour de soi-même ou montre un intérêt maladif à soi-même. Narcisse, figure mythologique dont l’histoire revient dans Les Métamorphoses d’Ovide, ne s'intéresse qu'à la chasse, les humains et l'amour le laissent de marbre. D’après le mythe, Narcisse tombe amoureux de son reflet dans l’eau tout en pensant qu’il contemple un esprit habitant l’étang. Le mythe se termine mal pour Narcisse : l’apparition dans l’eau ne répond pas aux paroles douces de son amant, Narcisse se consume de chagrin et meurt. A travers ce mythe affleure une leçon morale explicitant le déclin inévitable comme corollaire d'un trop grand amour pour soi-même.
L’augmentation de notre amour pour nous-mêmes – je parle des générations nées dans les années 70 et plus tard – nous est parvenue par nos parents, qui ont profité des contraceptions pour planifier et pour choisir d’avoir un enfant. Dès lors les familles sont devenues moins nombreuses, la prospérité a augmenté et l’enfant a pu se transformer vers « le centre du monde des parents », d’après l’article dans De Volkskrant. Or ce changement a provoqué des effets pervers : notre génération serait plus souvent dépressive, plus peureuse et elle n’est pas résistante aux déceptions de la vie adulte. Tout comme dans le mythe, le narcissisme mènerait au déclin !
Une dose de narcissisme encourage d’avoir confiance en soi, mais attention de ne faire pencher la balance, car une perte d’équilibre semble inévitable. D’un autre point de vue, à travers le mythe, Narcisse n’a pas perdu son équilibre en adorant son reflet, car il n’est pas tombé dans l’eau. Une bonne douche froide l’aurait peut-être ouvert les yeux ! Comment aurions-nous pensé le narcissisme si Narcisse était tombé dans l’eau par sa perte d’équilibre ? Je vous laisse imaginer les conséquences pour notre éducation !