donderdag 19 februari 2009

Carnaval aux Pays-Bas: les contrôleurs déguisés et la tradition de la fête

Alaaf!

Alaaf, c'est le cri ou l'exclamation du carnaval néerlandais, c'est une interjection festive, qui sera entendue souvent dans les jours qui viennent. Officiellement à partir du dimanche, mais dans la pratique dès ce vendredi, la fête de carnaval s'éclate dans les provinces méridionales des Pays-Bas. Cette manifestation catholique d’origine, qui permet à ceux qui font carême de se défouler encore quelques jours avant que les 40 jours jusqu’aux Pâques de régime stricte démarrent, prend une autre forme festive cette année : l’interdiction de la cigarette – pour beaucoup un moyen impassable de l’éclatement alcoolique – sera contrôlé à l’intérieur des bars par des contrôleurs de l’Etat déguisés, pour ne pas se faire remarquer par le grand public. Ils ne vérifient pas seulement la cloppe, mais aussi l’alcool aux mineurs. Les autorités sont réservées dans leurs communications : le nombre de contrôleurs et les réprimandes juridiques restent pour le moment inconnus. Les contrôleurs affirment de savoir que les jours de carnaval se déroulent différemment que les jours « normaux », mais ils avouent aussi qu’ils ne seront pas tolérants non plus.

Jusqu’aux années 50 du 20ème siècle, la nourriture prend une place importante dans les festivités carnavalesques. Il fallait vider les stocks de nourriture afin d’éviter la pourriture. Le carême chrétien remonte à plusieurs passages bibliques, la partie la plus connue est probablement celle du Jésus Christ, qui se serait privé de nourriture pendant 40 jours dans le désert, pour s’interroger sur sa foi lorsque le diable essaie de le séduire, d’après l’Evangile de Matthieu (4 : 1 – 4 : 10). Il faut dire que le carnaval ne revient pas dans l’Evangile de Matthieu, car juste avant d’être mis à l’épreuve de tentation diabolique, nous lisons que Jésus était baptisé par Jean et qu’une voix des cieux précise que Jésus est le Fils bien-aimé auquel Dieu a mis toute son affection (Matthieu 3 : 15 – 3 : 17). Puis l’Esprit emmène Jésus directement au désert, pas de carnaval entre ces deux textes : le Saint Matthieu a-t-il supprimé ce passage ? On s’imagine bel et bien un bon repas de baptême, où le vin coule à flots, ce n’est pas rien d’avoir le Fils bien-aimé à la table ! Après la corpulence, l’homme fait « son adieu à la viande », si on opère ce mot carnaval étymologiquement : carne vale, en latin, c’est la viande pour le mot carne et l’adieu pour vale. D’un autre point de vue, ce mot carne peut être traduit par la chair, ce qui permet d’élargir la signification de l’abstention.

Sociologiquement parlant, le carnaval est une manifestation rituelle permettant de libérer le trop-plein. On mange trop, on boit trop et on ne respecte pas trop, pendant un temps limité, les normes et les valeurs socialement prédéfinies. Le rite d’inversion des rôles est remarquable : pendant le carnaval, on se déguise, on devient quelqu’un d’autre. Le « Raad van Elf » (le Conseil d’Onze) dispose du pouvoir symbolique de la ville. Dans une cérémonie, le conseil municipal donne officiellement la clé de la ville au Prince Carnaval, chef du conseil. Les villes prennent aussi un autre nom pendant le carnaval : Eindhoven par exemple devient Lampegat, Den Bosch se transforme en Oeteldonk, et mon cher Uden s’appelle Knoerissenrijk. Cette inversion de rôles a longtemps permis aux autorités officielles de renforcer leur pouvoir pendant la période en dehors du carnaval. En relâchant les normes et les valeurs de l’Eglise et de l’Etat durant quelques jours, les bons citoyens pouvaient s’échapper un peu au joug sévère imposé par les autorités, c’était un événement à guetter avant et à revoir après. Cette inversion de rôles et cette relâche des normes et valeurs invite à revoir l’interdiction de fumer dans les bars et les cafés, d’après une large partie de la population fêtant le carnaval. Quelques hommes politiques ont proposé pour cette raison de supprimer la loi temporairement pendant les festivités. D’un point de vue historique, j'estime qu'ils n'ont pas tort.

Mis à part la cigarette cette année, le carnaval sépare la société méridionale un peu : on distingue ceux qui participent et ceux qui s’abstiennent. Ce dernier groupe de la population ne part pas rarement en vacances de ski pour éviter les festivités. Il y en a qui économisent pour les vacances de ski, d’autres familles mettent l’argent à côté pendant toute l’année pour justement pouvoir pleinement fêter le carnaval. Les participants n’ont pas de choix : il faut participer entièrement et se laisser aller, il faut se dissoudre dans la folie, sinon le carnaval n’est qu’un ensemble des fous qui se comportent de manière folle. Pour donner une impression, j’ai ajouté ce petit film à l’article, réalisé par la chaîne régionale de la province Noord-Brabant :


Pour les motivés à découvrir cette tradition culturelle : rendez vous à Maastricht, c'est tout près ! Et pour les amateurs de la musique carnavalesque néerlandaise, j’ai ajouté quelques chansons dans le pot-pourri néerlandais sur ce site.

Alaaf !

dinsdag 17 februari 2009

Les Pays-Bas officiellement "dans une grave récession"

Notre Premier ministre Jan Peter Balkenende (démocrates-chrétiens) a déclaré aujourd'hui que les Pays-Bas sont dans une grave récession. Je vous transmets les liens aux articles néerlandais ici, ici et ici. Le Monde a repris la même nouvelle dans ces informations, je vous invite à lire cet article tout en bas.

L’économie néerlandaise devrait se contracter de 3,5% en 2009, selon une estimation du CPB (Centraal Plan Bureau ; l’Office central du Plan). Ce qui choque le plus, c’est la montée du chômage : en 2010, presque 9% de la population active serait sans emploi. Cette partie de la société souffrirait le plus de la crise par la baisse de leurs revenus. Par un effet de ricochet, l’extension de la population inactive ferait souffrir l’Etat par l’augmentation des dépenses aux allocations de chômage. La crise provoquerait une séparation nette entre les employés et les sans-emploi, car le pouvoir d’achat de la population qui reste active (malgré tout la plupart de la société) serait stimulé par la baisse du prix du pétrole. La population active remarquerait ainsi la crise par une probable augmentation des impôts, sans oublier bien sûr que cette augmentation pourrait donc être compensée par le développement du pouvoir d’achat. L’augmentation des revenus publics ne serait pas suffisante pour l’Etat ; il faudrait de même faire des économies afin de réduire les dépenses, sinon les caisses du pays se transformeraient en des paniers percés. Le gouvernement néerlandais décidera dans les semaines à venir où l'Etat va chercher l’argent nécessaire pour financer les programmes de relance économique.

En parcourant la presse néerlandaise sur le web, je suis tombé sur la photo ci-dessous. On voit le Premier ministre Jan Peter Balkenende au milieu, le directeur du CPB Coen Teulings à droite et un individu inconnu pour moi à gauche.


L’expression au visage est grave et sérieuse, les deux têtes derrière la chaire se penchent un peu à droite, comme si les deux ont été touchés par une légère balle de crise venue de gauche. Le troisième inconnu a les mains croisées, c’est le prêtre qui se prépare à enterrer les victimes de la catastrophe annoncée. Le décor gréco-romain monté probablement pour donner plus d’autorité au discours prononcé renforce la siccité et la fraîcheur du message. Les spécialistes de communication ont bien fait leur travail en préparant cette conférence de presse : sans aucune improbabilité la mauvaise nouvelle est présentée à la presse réunie ; la forme de l’événement semble bien cadrer avec le contenu du message.


Or, un message n’est jamais neutre ou objectif. La forme influence le contenu tout comme le contenu influence la forme. Le médium, c’est-à-dire l’ensemble de l’être communiquant et l’artefact technique transmettant la communication, exerce une influence sur l’être du message. Et l’être du message influence vice versa le médium. Le côté sombre du message sur la récession influence donc les deux hommes politiques sur la photo, ce qui explique le visage serré, le regard serieux et la posture costaude, mais l’attitude des ces deux êtres communiquant influence de même l’aigreur du message.

Pour sortir de ce cercle vicieux qui nous mène de mal au pire, voyons Wouter Bos (Ministre des Finances, Parti du Travail) sur la photo suivante !


Crise ou pas de crise, Bos sourit. Nous le voyons ici sortant de sa voiture à La Haye où les ministres se réunissent pour parler des prévisions économiques du CPB. Le contraste avec les deux hommes politiques de l’autre photo est éclatant. Bos sort de manière énergique de la voiture, il freine sa cravate par la main droite pour éviter qu’elle claque au menton. Le visage donne l'impression de parler, montrant la bouche ouverte. Le ministre fait plusieurs choses en même temps (regard, mains, bouche... il bouge !) il est multitâche et il se précipite pour lutter contre la crise. La photo nous cache les chaussures du ministre, mais je parie sur des baskets pour courir encore plus vite à la salle de réunion. En observant cette image, la motivation et l'enthousiasme du personnage sautent aux yeux. Les temps graves et durs au niveau économique rendent le travail d’un ministre des Finances important.

En comparant les deux photos, on a l’impression que Bos ne peut pas s’arrêter de s’emparer de la crise lorsque la crise s’empare de Balkenende et Teulings, qui se présentent dociles et doux comme des agneaux. À plus grande échelle, cette différence d’attitude photogénique offre deux choix de stratégie politique : soit on essaie de s’emparer de la crise en anticipant et en augmentant les investissements, voir aussi en nationalisant de grandes entreprises, malgré l’augmentation inévitable du déficit budgétaire ; soit on suit la crise qui s’empare de nous et on essaie de réduire les effets pervers en réagissant, dans le sens où on étanche le sang qui coule d’une plaie après qu’on est tombé d’un vélo par exemple. Chacun sait qu’un gouvernement doit prévoir et qu’on devrait donc anticiper aux situations à venir. Si le gouvernement cherche à stimuler la confiance économique de sa population, il faut nécessairement opter pour une forme de communication inspirant la confiance. Ce n’est pas de politique d’autruche, mais la politique de paon ou de coq ! Il existe une influence réciproque entre le médium et le message, voir ci-dessus, mais en s’appuyant sur la force du médium, l’être communiquant peut gagner le message à sa cause afin d’influencer la teneur des propos et de réduire ainsi les effets du message sur le médium. Une mauvaise nouvelle n’est pas une mauvaise nouvelle, la nouvelle devient mauvaise par les effets du médium : par l’être qui l’apporte et par l’artefact technique qui la transmets, par la forme. Je propose une issue de la crise peu exploitée : le médium. La confiance, c'est croire au croyable, c'est la crédibilité remplie de sens, c'est le sens remplie de crédibilité, c'est la force des êtres communiquant à travers les médias. Suffirait-il de regonfler le ballon ?


Les Pays-Bas touchés par "une grave récession"
LEMONDE.FR avec AFP | 17.02.09 | 12h10

Les Pays-Bas "sont dans une grave récession", a déclaré, mardi 17 février, le premier ministre néerlandais, Jan Peter Balkenende, à La Haye. Ils devraient connaître un déficit budgétaire de 3 % en 2009 et de 5,5 % en 2010, selon une estimation du Bureau central du plan néerlandais (CPB). "Cela fait longtemps que les Pays-Bas n'avaient pas connu un tel recul de l'économie, et la vitesse à laquelle tout se passe est inédite", a-t-il ajouté.

"La mission du gouvernement est grande : faire progresser la croissance économique, renforcer l'emploi et maintenir des politiques financières solides", a poursuivi le premier ministre. "Le gouvernement prévoira expressément des mesures. [...] Ce ne sont pas seulement des plans qui coûtent de l'argent, mais aussi des plans qui génèrent de l'argent dans le futur", a-t-il expliqué. "Le gouvernement va examiner intégralement les investissements, économies et mesures structurelles de manière à ce que nous nous attaquions à la crise actuelle et en sortions grandis", a-t-il précisé.

M. Balkenende a toutefois prévenu que "des solutions simples n'existaient pas dans cette situation complexe". Le gouvernement néerlandais de centre gauche avait tablé sur un excédent budgétaire de 1,2 % du PIB lors de la présentation de son budget pour 2009 en septembre 2008. Il prévoyait alors une hausse de 1,25 % du PIB en 2009. Or, l'économie des Pays-Bas devrait se contracter de 3,5 % en 2009, selon une estimation provisoire du CPB publiée mardi matin. L'Office central des statistiques néerlandais avait annoncé vendredi que les Pays-Bas étaient "officiellement entrés en récession" au quatrième trimestre de 2008.