zaterdag 30 januari 2010

Carnaval aux Pays-Bas

Dans le cadre du voyage pédagogique à Maastricht le 14 février 2010, le dimanche du carnaval, il convient de placer cette fête populaire dans son contexte historique, religieux et social, dans l'objectif de mieux comprendre la tradition et l’importance du carnaval lorsque nous serons sur place. A la fin de l’article j’ai ajouté un petit film et des liens, ce qui permet de se faire une idée visuelle des festivités carnavalesques !

UNE FÊTE CATHOLIQUE
Le carnaval est une fête populaire d’origine catholique. Dans de nombreux pays catholiques, pendant les trois jours qui précèdent le carême, la population fête le carnaval. Aux Pays-Bas le carnaval se fête surtout dans les provinces au Sud et à l’Est du pays, ce qui s’explique par l’histoire du pays : dans les provinces méridionales le catholicisme est bien ancré dans le passé commun de la population tandis que les habitants du Nord et de l’Ouest du pays ont des racines historiques plutôt protestantes. Dans son origine, le carnaval permet à ceux qui font carême de s’exalter quelques jours avant que démarrent les 40 jours de régime stricte jusqu’aux Pâques, ce qui explique pourquoi, jusqu’aux années 50 du 20ème siècle, la nourriture prend une place importante dans les festivités carnavalesques : il fallait vider les stocks de nourriture pour éviter qu’ils tombent en pourriture.

LE CARNAVAL ET LA BIBLE
Le carême chrétien se situe dans plusieurs passages bibliques. D’après l’Evangile de Matthieu (4 : 1 – 4 : 10), Jésus Christ se serait privé de nourriture dans le désert. Pendant 40 jours, Jésus s’interroge sur sa foi, sans nourriture, tandis que le diable essaie de le séduire. Le carnaval ne revient pas dans l’Evangile de Matthieu. Juste avant d’être mis à l’épreuve par le diable au désert, Jésus était baptisé par Jean et pendant cette cérémonie, une voix des cieux précise que Jésus est le Fils bien-aimé auquel Dieu a mis toute son affection (Matthieu 3 : 15 – 3 : 17).

Après le baptême, l’Esprit place Jésus directement au désert, il n’y a pas de carnaval entre ces deux textes. Le Saint Matthieu a-t-il supprimé ce passage ? On peut facilement s’imaginer un copieux repas de baptême, où le vin coule à flots, car ce n’est pas rien d’avoir le Fils bien-aimé à la table ! Après la corpulence, l’homme fait « son adieu à la viande », si on opère le mot carnaval étymologiquement : carne vale, en latin, c’est la viande pour le mot carne et l’adieu pour vale. D’un autre point de vue, ce mot carne peut être traduit par la chair, ce qui permet d’élargir la signification de l’abstention.

UNE FÊTE SOCIALE
Dans le domaine de la sociologie, le carnaval est une manifestation rituelle permettant de libérer le trop-plein. On mange trop, on boit trop et on ne respecte pas trop, pendant un temps limité, les normes et les valeurs socialement prédéfinies. L'écrivain Bertus Aafjes (1914-1993) expose les aspects sociaux et culturels du carnaval dans un monologue à la radio néerlandaise en 1968 : celui qui fête le carnaval, il parvient à se mettre hors de lui, grâce à la joie. A travers les joyeux rituels de carnaval, le fêtard cherche à se mettre dans un état d’ « extase ». Il faut comprendre cette extase comme une forme d’être dans laquelle on est « hors de soi ». Les moyens pour y parvenir sont nombreux, mais ce qui est primordial, c’est le costume. On ôte les vêtements, tout comme on se défait des expressions habituelles du visage, la mine s’habille et se masque. On n’est plus la personne que l’on est dans la vie de tous les jours. On est devenu un inconnu, aussi pour soi-même : un singe, une vieille bique, un page, un Batman, une prostituée, un sportif, un médecin, une infirmière, un policier, un homme politique, un criminel, un clown, un chevalier, un roi, un moine, la mort. Le déguisement est la première condition pour atteindre un état d’ « extase », pour entrer hors de soi. On passe les trois jours de carnaval dans cette condition mentale et physique, on saute, on danse, on gambade, on témoigne d’une conviction inébranlable, afin que l’on devienne insensible aux réactions et symptômes normaux. Si une personne qui fête le carnaval doit réaliser les mêmes performances dans sa vie normale, on emportera l’homme, inanimé, dans moins d’une heure. Pendant le carnaval, il y arrive, il arrive à faire l’impossible en battant la pesanteur quotidienne et la lenteur du corps.

Celui qui s’y est donné pendant les trois jours, le mardi gras au soir, il est devenu un pantin, qui, au moindre brin d’un tube de carnaval, se met à bouger. Son corps est devenu un automatique : il obéit aveuglement aux stimulants. Vous direz peut-être que le carnaval est alors avilissant et dégradant. Mais c’est juste le contraire. A travers l’automatisation du corps, l’individu a cessé d’être, c’est vrai, mais une autre chose d’une grande valeur a remplacé l’individu. L’homme est devenu un élément social, lui et les autres membres de la société se sont fondus dans un corps unique. L’homme n’a plus de conscience de « soi », mais une conscience sociale. Le carnaval apprend aux gens de devenir autrui, de devenir celui qui est près.

L'INVERSION DES RÔLES
Le rite d’inversion des rôles est remarquable : le fait de devenir l’autre a des conséquences pour la gestion de la ville. Pendant le carnaval, le « Raad van Elf » (le Conseil d’Onze) dispose du pouvoir symbolique de la ville. Dans une cérémonie, le conseil municipal donne la clé de la ville au Prince Carnaval, chef du conseil. L’inversion des rôles sociaux a longtemps permis aux autorités officielles de renforcer leur pouvoir pendant la période en dehors du carnaval. En relâchant les normes et les valeurs de l’Eglise et de l’Etat durant quelques jours, les bons citoyens pouvaient s’échapper au joug sévère imposé par les autorités, c’était un événement à guetter avant et à revoir après.

Dans la province de Noord-Brabant, les villes prennent aussi un autre nom pendant le carnaval : Eindhoven par exemple devient Lampegat, Den Bosch se transforme en Oeteldonk, et mon cher Uden s’appelle Knoerissenrijk. La ville de Maastricht, la destination de notre voyage, garde son nom d’origine, mais elle se prononce davantage dans le dialecte limbourgeois : Mestreech.

LA PRATIQUE
De nos jours le carnaval a tendance à séparer la société : on distingue ceux qui participent et ceux qui s’abstiennent. Ce dernier groupe de la population ne part pas rarement en vacances de ski pour éviter les festivités. Il y a des familles qui économisent pour les vacances de ski, d’autres mettent leur argent à côté pour le carnaval. Vivant dans une ville de carnaval, on n’a pas de choix : il vaut mieux participer entièrement et se laisser aller, se dissoudre dans l’extase pour faire partie du corps social, car la vie sociale de tous les jours s’arrête ; elle ne reprend pas plus tôt que le mercredi des Cendres.

LES IMAGES
Le film ci-dessous montre des images du carnaval 2009 à Maastricht. En plus des différents types de déguisement et de l’organisation sociale des festivités que l'on voit sur les images, les paroles des fêtards sont, elles aussi, explicatifs. Ainsi Piet, déguisé en tant que « ridder » (chevalier), explique que le carnaval, pour lui, est une forme de « geestelijke ontspanning » (détente mentale) « die ervoor zorgt dat hij niet bij een psychiater hoeft te komen » (qui fait qu’il ne doit pas se rendre chez un psychiatre). Job, « kunstenaar » (artiste), affirme que « als je echt iets wilt leren, dan moet je hier komen, dan kun je de hele kunstacademie overslaan » (si on veut vraiment apprendre quelque chose, il faut alors venir ici, on peut alors laisser de côté toute cette Ecole des Beaux-Arts). Vers la fin du film, un Norvégien explique en anglais pourquoi il vient à Maastricht chaque année.



La conclusion à la fin dit tout : « Carnaval is het feest van de feesten, er is maar één feest en dat is carnaval! » (Le carnaval, c’est la fête des fêtes, il n’y a qu’une seule fête, c’est le carnaval !).

Pour terminer, voici quelques liens intéressants :
- Carnaval in Maastricht : toutes les informations sur le carnaval à Maastricht.
- Carnavalvieren.nl : l'histoire, les dates, les déguisements...
- Carnavalskleding : les déguisements.
- Carnavalskleding : les costumes de déguisement.
- Carnaval startpagina : page rassemblant beaucoup de liens aux autres sites consacrés au carnaval.
- L'office du tourisme à Maastricht.